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moments, il se trouvait arrête devant des barrières insurmontables qu'il fallait tourner, ne
pouvant les rompre. Ou bien il était assailli par des tempêtes de neige, qui couvraient le pont,
les mâts et tous les agrès d'une ouate épaisse. Assiégé par des amoncellements de glaçons que
le vent poussait tout à coup sur lui, il était menacé de s'ensevelir sous leur masse. Ou encore,
il s'engageait dans une « wacke », sorte de lac entouré par la banquise et fermé comme une
impasse. En sortait-il pour retrouver la mer libre ? c'est alors surtout qu'il fallait ouvrir l'Sil
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L épave du Cynthia Jules Verne
pour ne pas être pris en flanc par quelque iceberg monstrueux, arrivant du nord avec une
vitesse vertigineuse, et dont la masse effrayante aurait écrasé l Alaska comme une noisette.
Mais un danger plus grave encore était celui des glaces sous-marines, que la quille heurtait et
faisait basculer,  véritables paradoxes hydrostatiques, qui n'attendaient qu'un contact pour se
redresser avec une violence souvent terrible en brisant tout sous leur coup de bélier. L Alaska
perdit ainsi ses deux chaloupes et se vit parfois obligé de hisser son hélice à bord afin d'en
redresser les ailes. Il faut avoir passé par ces épreuves et les dangers de tous les instants que
présente la navigation dans les mers arctiques, pour s'en faire une idée même approximative.
Après une ou deux semaines d'un pareil régime, l'équipage le plus intrépide est à bout de
forces. Un repos lui est nécessaire.
Du moins ces épreuves et ces dangers avaient-ils une compensation dans la rapidité avec
laquelle les degrés de longitude s'égrenaient sur le livre de bord. Il y eut des jours où l'on en
comptait dix et jusqu'à douze. Il y eut des jours où l'on n'en comptait qu'un et moins encore.
Mais enfin, le 11 juin, l Alaska revit la terre et jeta l'ancre à l'entrée du détroit de Lancastre.
Erik avait cru qu'il serait obligé d'attendre quelques jours avant de s'engager dans ce long
couloir. A sa surprise et à sa joie, il le trouva libre,  du moins à l'entrée. Il y pénétra donc
résolument. Mais ce fut pour se voir, le lendemain, bloqué par les glaces pour trois jours
entiers. Grâce aux courants violents, qui balaient ce canal arctique, il ne tarda pas, toutefois, à
se trouver dégagé, comme le lui avaient annoncé les baleiniers de Godhaven, et il put
continuer sa route.
Le 17, il arrivait au détroit de Barrow et le brûlait à toute vapeur. Mais, le 19, au moment
de déboucher dans Melville-Sound, à la hauteur du cap Walk, il se vit encore barré par les
glaces.
Tout d'abord, il prit son mal en patience, attendant la débâcle. Mais les jours succédaient
aux jours, et la débâcle ne venait pas.
A la vérité, les distractions ne manquaient point aux voyageurs. Arrêtés tout près de la côte
et munis de tout ce qui pouvait rendre leur position moins précaire, ils purent entreprendre des
promenades en traîneau, chasser le phoque, voir au loin les baleines prenant leurs ébats. Le
solstice d'été approchait ; depuis le 15, l Alaska avait le spectacle étonnant, et nouveau 
même pour des Norvégiens ou des Suédois du sud,  de ce soleil de minuit, rasant l'horizon
sans le quitter, puis remontant dans les cieux. En gravissant une hauteur sans nom, qui s'élève
dans ces parages désolés, on pouvait voir l'astre du jour décrire en vingt-quatre heures un
cercle complet sur l'espace. Le soir, tandis qu'on restait baigné dans sa lumière, au loin toutes
les régions du sud étaient plongées dans la nuit. Cette lumière, il est vrai, est pâle et
languissante ; les formes perdent leur saillie ; l'ombre des objets devient de plus en plus
molle ; la nature entière revêt l'apparence d'une vision. On sent alors plus vivement encore
dans quel monde extrême on se trouve, et combien près du pôle !& Et pourtant le froid n'était
pas vif. La température ne descendait guère au-dessous de 4 ou 5 degrés centigrades. Parfois
l'air était si doux qu'on avait peine à se persuader qu'on fût véritablement au cSur de la zone
arctique.
Mais ces curiosités ne suffisaient point à remplir l'âme d'Erik ni à lui faire perdre de vue
son but suprême. Il n'était venu là ni pour herboriser, comme M Malarius, qui rentrait tous les
soirs plus ravi de ses explorations à terre et des plantes inconnues dont il augmentait son
herbier, ni pour savourer, avec le docteur et M. Bredejord, la nouveauté des aspects que leur
offrait la nature circumpolaire. Il s'agissait de retrouver Nordenskiold et Patrick O'Donoghan,
de remplir un devoir sacré, tout en découvrant peut-être le secret de sa propre naissance. Et
c'est pourquoi, sans relâche, il cherchait à rompre le cercle de glace dans lequel il se trouvait
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enfermé. Excursions en traîneau, courses en « schnee-shuhe » jusqu'au bord de l'horizon,
reconnaissances en chaloupe à vapeur,  pendant dix jours, il essaya de tout sans arriver à
trouver une issue. A l'ouest, comme au nord et à l'est, la banquise restait fermée.
On était au 26 juin et si loin encore de la mer de Sibérie ! Fallait-il s'avouer vaincu ? Erik
ne le voulut pas. Des sondages répétés lui avaient révélé l'existence sous les glaces d'un
courant dirigé vers le détroit de Franklin, c'est-à-dire vers le sud ; il se dit qu'un effort, même
disproportionné, suffirait peut-être à provoquer la débâcle, et résolut de le tenter.
Sur une longueur de sept milles marins, il fit creuser dans la banquise une chaîne de
chambres de mines, espacées de deux à trois cents mètres, et qui reçurent chacune un
kilogramme de dynamite. Ces chambres furent reliées par un fil de cuivre à gaine isolante en
gutta-percha. Et, le 30 juin, à huit heures du matin, Erik, du pont de l Alaska même, mit le feu
aux poudres en pressant le bouton d'un appareil électrique. [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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