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même des Muses; on dirait que c’est la Déesse des Grâces
elle-même qui vous le présente, embelli de l’encens des
fleurs qui embaume ses mille appas.
Sa modestie à toute épreuve refuse toujours de se rendre
aux moindres hommages dont on ne peut s’empêcher de lui
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payer le juste tribut. Mais ce qui est comme le complément
de cette peinture jusqu’ici incomplète, ce qui est comme les
ombres du tableau, c’est cette fidélité, cet empressement et ce
soin
toujours
croissant
qu’elle
a
de
s’acquitter
ponctuellement de ses devoirs de piété et de religion. Qu’il
est rare, en effet, mais aussi qu’il est beau, de voir, parmi le
sexe canadien, de jeunes personnes qui unissent, à tant de
qualités, tant de vertus; qui savent allier à ce point leurs
affaires domestiques et leurs affaires religieuses, et qui
soignent avec tant de zèle le salut de leur âme, sans négliger
entièrement leur corps!... Et après un semblable portrait,
comment croire à l’avis du Sage, que « ce qu’on voit de
l’homme ici-bas, n’est pas l’homme »?
Qu’on est heureux, dans de pareils moments, de pouvoir
communiquer à un autre ce que l’on ressent d’estime et
d’admiration pour de si grands mérites! Et que mon coeur se
fût alors trouvé tout à la fois vide de consolations et rempli
de sombres pensées, s’il n’eût rencontré un autre coeur pour
lui parler de ce qu’il aimait, de ce qu’il chérissait! Ce coeur...
c’était celui d’une soeur! c’était celui d’ODILE! La nature le
fit aimant et l’arma de sentiments généreux.
Ô vous, dont l’âme, abrutie par la fougue et la violence
des passions, est insensible aux charmes réels de l’amitié,
vous n’allez pas pénétrer dans ces entretiens, pour vous
mystérieux. Allez plutôt, allez croupir dans la fange que votre
propre mollesse vous a préparée. Vous porteriez le trouble
ici, et avec le trouble, point d’amitié... Mais vous, âmes
généreuses, que la nature a douées de ses plus nobles
présents, vous, pour qui la sensibilité est une tâche si douce et
si agréable, venez, mais venez promptement; pénétrez dans
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ce sanctuaire de la discrétion et du bonheur, et apprenez, par
vous-mêmes, le sublime langage de deux âmes qui
s’entendent plus sublimement encore!
Odile est d’une taille légère et assez bien proportionnée.
Sa physionomie avait, ce soir-là, une teinte de sérénité qui
jurait tant soit peu avec l’air de fierté qui anime d’ordinaire
les traits de sa figure. D’un caractère naturellement
compatissant et affable, elle se surpasse cette fois en
bienveillance et en gaîté. On eût dit que la vue de cet Ange
de douceur (dont je ne veux désormais parler, par respect
pour son mérite, qu’en taisant le nom) lui eût communiqué la
douceur et l’allégresse de son âme, et qu’elle voulait se
constituer sa rivale...
Il n’est pas, à mon avis, de confidente plus secrète qu’une
soeur, et surtout qu’une soeur qui vous aime tendrement.
C’est assez dire, je pense, pour qu’on ne puisse plus douter
un instant de celle qui fut, dans cette circonstance, la
dépositaire des choses qui se passaient dans mon coeur.
Comme il était lourd le fardeau dont ce précieux dépôt
soulagea mon âme! Comme il était doux et léger, celui qu’y
substituèrent les calmes souvenirs qu’une soeur y avait
comme enfantés. Jamais, non, jamais, des pages entières ne
pourraient décrire une seule des émotions que j’éprouvai
dans cette soirée de délices! Rien ne peut plus être délicieux,
quand on assiste à un pareil spectacle; rien ne peut plus être
exquis, quand on a eu l’heur d’être convive à une table aussi
suave.
À peine fûmes-nous réunis qu’une table fut dressée dans
l’appartement où nous étions et que l’on annonça
unanimement qu’un même jeu de cartes allait nous servir de
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divertissement commun, en attendant que l’on fût prêt à
partager ensemble le repas royal: comme si la joie qu’allait
nous procurer le divertissement devait être un avant-goût de
celle dont nous devions jouir lors du partage du gâteau. Ce
jeu était celui vulgairement connu sous le nom de « l’As qui
court ». Il n’y a pas à hésiter sur la place que je pris dans
cette circonstance. On sait ce qu’est un parfum odorifère à
celui qui n’a longtemps respiré qu’une atmosphère insalubre
et desséchée. On sait ce qu’est au voyageur accablé de
lassitude et succombant sous l’ardeur du soleil, la douce
jouissance de l’ombre que lui préparent les rameaux
bienfaisants d’une jeune vigne entrelacée à l’ombre de nos
forêts. On sait que l’aimant attire sans cesse vers le Nord!
Mais c’était plus qu’un parfum à l’odorat, c’était plus qu’une
ombre, c’était plus que l’aimant, ou plutôt ce n’était qu’un
parfum, mais un parfum qui s’enfuit aussitôt qu’il fut exhalé.
Ce n’était qu’une ombre, mais une ombre qui passa aussitôt
qu’elle fut passée, une ombre qui se dissipa comme une
ombre, comme un songe! un aimant qui ne cessait de
m’attirer à lui, mais qui me laissa, après tout, vide de pensées
et plein de sentiments... Ce que je ressentis alors, je le ressens
encore, mais je ne puis l’exprimer... C’est assez dire, il me
semble. Oui, je périrai... Mais ces souvenirs ne périront
jamais dans ma mémoire!
Le jeu dura environ trois quarts d’heure, après quoi l’on
apporta le plat succulent, le plat des Rois. Oh! qu’il m’est
doux de me rappeler cette dernière scène, cette scène qui, en
mettant pour ainsi dire le comble à mon bonheur, vint mettre
aussi le comble à mon malheur! Car nous ne devions nous
revoir de longtemps... Que j’eusse donné cher pour pouvoir
trouver le pois enfermé dans le gâteau, le pois emblème du
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couronnement, pour déposer, sur son front royal, le diadème
qui en doit être l’ornement. Mais le sort en avait décidé
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